[PROJET] Autoportraits Confinés

20h, le 17 Mars. La nouvelle tombe, la France entre dans l’inédit avec un confinement généralisé. Aucune idée alors de comment cela influencera ma vie. Très vite, la sensation de vivre avec intensité l’Histoire, fait écho en moi. La semaine passe, j’annule mes dates de travail.
On s’occupe. Courses, jardinage, binge watching jusqu’à plus soif, on s’occupe.
Nous sommes le 24 Mars. Je reprends ce jour le travail, conscient des risques, un collègue a déclaré être touché par la maladie. Voiture, parking, prise de température à l’accueil, nettoyage du poste de travail; les news s’enchaînent, je monte les sujets qui tournent en boucle.
Les jours s’égrènent, le temps continue sa marche implacable. Une routine s’installe.
Travail, sport, panier de légumes, cuisine, film et dormir.
L’ombre se nourrit, elle plane sur la ville endormie, que le printemps ne parvient à réveiller totalement. Elle nous enlace et nous lie, humbles et forcés.
Maxime CARON, 07 avril 2020, Lyon

Ce confinement me donne parfois l’impression de me fondre dans mon intérieur.
Le moindre rayon de soleil devient une source de bien-être mais me rappelle aussi cet extérieur insaisissable.
Le regard porté vers la lumière du jour, j’espère, j’attends, je pense à ce qui est en train de se passer et ce qui est à venir. A la fois soucieuse et patiente.
Ce confinement me ramène aussi à mon animalité.
Je me sens animal face à notre rapport à la vie, à la vulnérabilité de nos corps et à l’instinct qui se développe dans ces moments incertains. Protéger, se réfugier, comme un animal tapi dans l’ombre, attendant le bon moment pour pouvoir sortir.
Elsa Serna GIMENEZ, 03 avril 2020, Toulouse

Entre 4 murs je suis toujours libre de penser
que la marée n’attendra pas l’homme.
En répétition générale d’un futur sombre
il n’est pas trop tard pour s’imaginer
une lumière jaillir de l’obscurité
À l’ombre de ma fenêtre illuminée
Mon coeur vient de se remplir
d’une étrange sensation de liberté.
Celle la même qui me fait croire
que tout est à revoir.
Valentino BELLONI, 05 avril 2020 , Saint Médard en Jalles.

Tu te découvres sans le savoir,
surpris de poser, faisant semblant.
Tes actes sont comme le miroir
de tes pensées d’hier, de maintenant.
Ces jours hésitants, nappés de mélancolie,
me projettent par-delà les monts enneigés.
Nombre d’images dans mon cerveau réunies,
rassurantes, calmes et parfois même habitées.
Me couchant sur ce sol parsemé de lumière,
esprit saturé dans un monde confiné,
comme porté par ce motif triangulaire,
je finirai surement par me réveiller.
Lilian CAZABET, 02 avril 2020, Cassagne

Quand il a fallu choisir où se confiner, j’ai eu l’impression de choisir avec qui je passerais la fin du monde. Tout devenait compliqué, précipité. Alors je suis partie en une nuit, vite fait, avec peu d’affaires. Depuis le 17 mars, j’ai de l’espace et des amis, des conditions de privilégiés. Pourtant, à travers les autres et ce miroir, je dois me faire face. Ce reflet qu’on croise sans détailler, il est là, immobile, il attend que tu le juges — et il ne veut pas de ta pitié. Déjà trois semaines écoulées et je n’ai toujours pas fini de le sonder.
Cet autoportrait a été pris le dernier jour de mes 21 ans, comme un bilan.
Jeanne FOURNEAU, 06 avril 2020, Saint-Cyr-la-Rivière

“A mes heures trouvées”
Cloisonné.e.s ? Peut être physiquement mais pas mentalement,
Omniprésent, cet organisme invisible nous a figés bien rapidement,
Nourrissons-nous de cet événement, tout en positivant, vraiment !
Flâner, créer, échanger, manger, penser... et recommencer,
Imaginez, vivre différemment, est-ce une invitation au changement ?
Notion sauvage de liberté, saisir ce que l’on possède, à notre portée,
Entreprendre ses envies et projets trop longtemps repoussés : c’est le moment,
Maintenir sa forme physique, cruciale alliée du mental,
Enivré.e.s, par ces moments bien trop semblables,
Ne regrettons pas le monde d’hier, mais inventons celui de demain...
Temps, en toi réside la clé de nos chemins.
Collage de 65x65cm composé de trois sortes de feuilles séchées, d’Azalée, Clémentines et Zamioculcas.
Joséphine BICHAREIL, 06 avril 2020, Levallois

Plus de vent, plus d’horizons, plus d’arbres, de feuilles, de rivières.
Plus d’histoires, de rencontres, plus de mots.
Mais des manques, de l’angoisse, et du temps.
Avoir du temps, le prendre, le perdre, souvent.
Le temps d’échanger, de s’ennuyer, d’avoir peur et de penser.
Penser à soi, aux autres, à nos relations, nos envies, mais ne rien pouvoir faire.
Ne pas pouvoir bouger, ne pas pouvoir respirer, ne pas sortir, ne pas voir la mer.
Ses embruns, sa présence, son réconfort.
Quand tout sera fini, j’irai voir la mer.
Corentin LEBLANC, 07 avril 2020, Parthenay

Tu fais quoi là ? Maintenant, tout de suite ? Tu penses bien sûr, tu ne peux pas t’arrêter. Tu n’as aucun moyen de fuir. Ça fait quoi de se confronter ? Ça n’arrive pas souvent hein ? Peut être pas assez souvent tu me diras. Peut-être que si tu n’avais pas fui et enfoui toutes ces années tu n’aurais pas peur de te retrouver face à toi-même.
Confrontation, c’est le bon (mauvais) mot. Une sorte de bataille, de dispute. Tu sais qu’elle va arriver et pourtant tu n’es jamais vraiment prête, ça revient c’est cyclique, mais non, toi tu te la prends toujours en pleine gueule. Deux heures, tes pensées t’ont laissé en paix deux heures. C’est pas mal déjà. Tu as eu le temps de décompresser de faire de la façade puis de te laisser aller à croire en ta propre façade. Tu as réussi à te berner. Ça aussi tu le fais très bien, te berner.
Aline LAFOY, 05 avril 2020, Beyrouth

[…] Au risque de ternir vos souvenirs d’enfance, il est temps de parler de la façon odieuse dont nous traitons nos poissons rouges. Enfermés la plupart du temps dans des bocaux ronds de 20 à 30L, leur captivité représente un véritable acte de maltraitance animal.
Pouvant mesurer aux alentours d’une vingtaine de centimètres en milieu naturel, les poissons rouges maintenus dans des petits aquariums sont victime d’un mécanisme de nanification forcée, qui engendre des douleurs et des malformations. S’orientant à l’aide des lignes parallèles, la forme ronde des bocaux est pour eux une véritable torture. Sans moyen de se repérer, ils errent jour après jour le long de la bordure de ve… […]
La télé s’éteint et le silence envahit la pièce. D’un geste devenu machinal, la télécommande est reposée à sa place.
- Tu viens, on va faire le tour du quartier ?
Les chaussures attendent déjà près de la porte mal fermée. Dehors, la lumière semble familière. C’est l’heure du kilomètre quotidien, l’heure d’aller respirer, l’heure de rejoindre les limites du bocal.
Léo PIERRE, 07 avril 2020, Arâches-La-Frasse